Panier

C’est une alchimiste qui manipule l’or…  l’or vert ! Amoureuse de son pays, la Guyane, Mariana s’est éprise de cette forêt incroyable qui recouvre 96% du territoire. Son parcours inspirant, nous l’avions évoqué dans l’une de nos publications sur Facebookhttps://www.facebook.com/CaraibesFactory/posts/554105031714274/ et c’est avec un immense plaisir que nous l’avions reçu lors du 3ème épisode de Factory Side, cette émission en direct live sur Instagram que nous avons créé pour parler d’industrie, de savoir-faire et de métier pendant le confinement. Un numéro passionnant que nous vous invitons à (re)découvrir en replay

A l’issue de cette émission, Mariana nous a accordé une interview pour échanger plus en détails sur son activité. Partons à la découverte de son univers et découvrons ensemble qui est cette entrepreneure chevronnée !

Caraïbes Factory : Mariana, peux-tu nous en dire un peu plus sur toi ?

Mariana ROYER : Je suis diplômée d’un doctorat en chimie des substances naturelles que j’ai obtenu en 2008 au sein de l’Université des Antilles et de la Guyane. J’ai développé une véritable passion pour la chimie des arbres pendant ma thèse. Un an plus tard, j’ai rejoint le Québec, un territoire avec une économie fortement liée à l’industrie forestière, où je me suis investie dans des projets de recherches en post doctorat. En 2012, j’ai fondé le bureau d’étude Bio Stratège et sa première start-up : Les Laboratoires Bio ForeXtra, spécialisés dans le développement d’extraits bioactifs 100% naturels issus du recyclage des écorces résiduelles de scieries québécoises. Le concept a plu et a été rapidement racheté, créant ainsi le déclic pour initier l’export et l’expansion de mon modèle d’affaire et sa diversification en Guyane. C’est ainsi qu’en 2019, j’ai fondé Bio Stratège Guyane (BSG) et démarré l’implantation du tout premier laboratoire privé d’éco-extraction, de contrôle qualité et formulation de Guyane française.

  « J’ai développé une véritable passion pour la chimie des arbres pendant ma thèse !»

C.F. : Peux-tu nous expliquer d’où t’es venu la passion pour ton domaine ? Comment t’es-tu lancée dans l’entrepreneuriat ?

M.R. : L’idée de fonder ma toute première entreprise m’est venue au départ au Québec en 2012 !

Tout est parti de constats effectués durant mes différents projets de recherches universitaires sur les extractibles des arbres puis d’expériences professionnelles en relation avec leurs applications bénéfiques pour l’Homme et son environnement.

D’un côté je me suis rendue compte qu’à toutes les étapes de la transformation du bois, l’industrie forestière produit une très large quantité de coproduits (branches, sciures, écorces, rabotures etc.) qu’elle sous valorise quand elle ne sait tout simplement pas quoi en faire. D’un autre côté il y a une demande croissante des marchés pour l’utilisation d’ingrédients naturels et écologiques afin de répondre aux exigences d’un consommateur informé, qui se soucie de plus en plus de la composition des produits. Sur certains marchés, plusieurs molécules synthétiques et/ou pétrochimiques sont décriées et mêmes exclues du fait de leur toxicité révélée.

Je me suis donc d’abord lancée en entrepreneuriat car je voulais contribuer à mieux valoriser la ressource forestière si précieuse et créer un nouveau chaînon entre la forêt et le marché utilisateur ; en développant des extraits bioactifs sécuritaires et écologiques issus du recyclage des résidus de la transformation du bois.

J’ai fondé alors un premier laboratoire au Québec qui focalise essentiellement ses recherches appliquées sur l’upcycling des écorces d’arbres laissées pour compte pendant le sciage du bois d’œuvre et qui contiennent de fortes concentrations en extraits bioactifs, de véritables alternatives vertes aux fonctions recherchées par divers marchés.  Ce laboratoire, qui cible le marché cosmétique, a lancé la commercialisation en 2016 de plusieurs extraits d’écorces recyclées d’arbres de la forêt boréale et dont l’efficacité a été testée cliniquement pour leurs propriétés bénéfiques pour la peau et les cheveux.

©Biostratège

« Penser de façon durable la valorisation de la ressource naturelle d’un côté et mettre en évidence l’Intelligence du monde végétal et la science de l’ingrédient naturel de l’autre, c’est ce qui me passionne !»

C.F. : C’est impressionnant ! Il t’a certainement fallu une grande force de caractère pour te lancer dans un marché presque vierge, j’ai envie de dire. Quelles ont été tes motivations premières ?

M.R. Penser de façon durable la valorisation de la ressource naturelle d’un côté et mettre en évidence l’Intelligence du monde végétal et la science de l’ingrédient naturel de l’autre c’est ce qui me passionne!!  Voilà pourquoi je me suis lancée en entreprise, pour contribuer à un monde plus vert et rappeler l’importance de préserver notre biodiversité et nos ressources !

Après 5 ans de développement, en 2018, ce laboratoire spécialisé développé au Québec a été acquis par un groupe multinational réputé sur le marché mondial d’ingrédients cosmétiques. Cela a été un tremplin pour moi car j’ai pu beaucoup apprendre de cette première expérience qui m’a donné l’envie d’aller plus loin et de déployer plusieurs autres modèles de chaînes de valeur de la bio ressource au marché, en se basant sur des principes de chimie verte et en économie circulaire avec de forts impacts sociaux.

C.F. : Quelle formidable expérience ! Ton parcours est vraiment inspirant, bravo ! Mais tu ne t’es pas arrêté en si bon chemin. A la suite de ce rachat tu t’es fixé de nouveaux objectifs, c’est cela ?

M.R. : Oui ! Pour aller plus loin et enfin atteindre mon objectif premier – celui de m’impliquer dans le développement de mon territoire, la Guyane – j’ai  fondé Bio Stratège Guyane en 2019. C’est le premier laboratoire privé d’éco-extraction, formulation et contrôle qualité implanté en Guyane et dédié à la valorisation des bios ressources endogènes via la conception de portefeuilles d’ingrédients bioactifs et fonctionnels 100% naturels et écologiques. L’objectif est de contribuer à l’implantation de chaînes de valeur locales et durables.

C.F. : En quoi consiste ton activité ? Peux-tu nous la décrire, stp ?

M.R. : Nous avons deux principales activités :

La première tourne autour du développement et de la mise en marché d’extraits, principes actifs et ingrédients fonctionnels d’Amazonie française qui pourront être obtenus de l’extraction verte des diverses bio ressources locales issus de filières existantes ou émergentes de la production agricole locale (fruits, feuilles, fleurs etc.), des coproduits de la transformation agroalimentaire (pulpe, peau, fibres etc)et des coproduits de l’industrie forestière locale (sciures, copeaux, écorces).

La seconde se spécialise dans la prestation de services pour accompagner les entreprises et / ou organismes dans leur projet de développement de produits naturels sourcés en Guyane ou aux Antilles autant sur l’aspect technique, réglementaire que sur les aspects concepts marketing, images de marque et commercialisation.

C.F. : Quels sont vos projets pour l’avenir ?

M.R. : Notre entreprise est incubée pour une période de deux ans au sein de Guyane Développement Innovation. Nous prévoyons ensuite une implantation sur site pour déployer notre modèle de plateforme écologique qui sera constituée d’une unité de production d’extraits standardisés et normés, des laboratoires dédiés à l’éco-extraction, l’analyse contrôle qualité, la formulation de produits finis à partir des ingrédients de Guyane et un atelier de prétraitement des matières végétales. Nous aimerions créer autour de cette plateforme, un véritable pôle de compétitivité qui allie l’agriculture locale, la transformation, l’innovation verte et la commercialisation ; devenant une vitrine incontournable pour la valorisation de la biodiversité guyanaise.

« Cette crise sanitaire m’a également rappelé que rien n’est acquis et qu’il est important de s’investir dans ce en quoi l’on croit vraiment et qui fait aussi du bien à soi et aux autres. »

©Biostratège

C.F. : La crise sanitaire nous a tous chamboulé et obligé à repenser nos modes de fonctionnement. Comment as-tu vécu le confinement et tout ce qui s’en est suivi ?

M.R. : Cette période de confinement nous a poussé à nous dépasser, je dirai ! Elle nous a demandé de nous adapter rapidement, de nous repenser sur certains aspects ou de consolider nos valeurs sur d’autres aspects. Elle a confirmé la nécessité de poursuivre nos initiatives qui visent à conscientiser au Respect de la Nature et de l’urgence de réparer les dégâts que l’Homme occasionne par son manque de conscience et de symbiose avec son environnement naturel. Les plantes nous offrent tant pour notre bien-être et ce depuis des siècles. Les premiers peuples en témoignent. Il nous suffirait d’être un peu plus à l’écoute et dans l’observation.

Cette crise sanitaire m’a également rappelé que rien n’est acquis et qu’il est important de s’investir dans ce en quoi l’on croit vraiment et qui fait aussi du bien à soi et aux autres. Je crois donc encore plus à notre mission profonde chez Bio Stratège Guyane qui est de contribuer à développer notre territoire à partir de ses ressources locales et de miser sur des projets qui vont nous permettre de mieux connaître, maîtriser puis valoriser cette ressource.

Sous l’initiative du MEDEF, nous avons dès la deuxième semaine de confinement été impliqués dans la conception et la mise en œuvre d’urgence d’une chaîne de production locale de solution hydro alcoolique à partir de l’éthanol de canne à sucre. Nous avons effectué la coordination technique et réglementaire de cette chaîne et avons réussi à produire 12 000 bouteilles. La production s’est poursuivie pour assurer les besoins du déconfinement.

©Biostratège

Nous avons également pris l’initiative dès le 23 mars de contribuer à mieux informer le grand public sur les plantes médicinales locales afin d’éviter les confusions et les risques sécuritaires en créant un blog www.biostratege.com/blog pour la publication chaque semaine d’une fiche plante.

Plus récemment nous sommes impliqués à la préparation d’un projet appelé GUYANE-IMMUNITÉ. Nous voulons aller plus loin dans l’appropriation et l’accès du peuple aux plantes reconnues, testées et validées pour avoir un impact sur le système immunitaire et la résistances aux virus, et autres micro organismes.

«  Fluide, Facile and Fun! Mon mantra c’est FFF ! Ma devise est : Si tu sens que ce n’est pas FFF, change ta stratégie ! »

©Biostratège

C.F. : Les projets que tu mènes sont impressionnants et ton parcours sert véritablement d’exemple. Merci beaucoup pour cet échange qui, nous l’espérons, servira à ce que d’autres se rendent compte que tout est possible ! En parlant des autres, quel message souhaites-tu adresser à nos lecteurs et lectrices ?

M.R.: Ce mantra m’est venu en-tête un jour lors d’un déplacement d’affaires. J’ai eu cette claire impression lors de ce voyage qu’en suivant mes intuitions et valeurs profondes chaque RDV, chaque créneau choisi, chaque heure, chaque jour s’est déroulé en m’apportant tour à tour des clés pour le niveau suivant, pour l’étape suivante, pour avancer vers mon objectif. Pour moi quand tout s’emboîte de façon fluide sur ton parcours, dans tes projets, dans ta vie, que tout se fait avec une sensation de fluidité, sans aller à l’encontre de tes intuitions, sans blocages, et que durant ce parcours tu te sens en accord avec toi-même en surfant sur un flow et bien toutes les situations paraissent plus faciles à vivre, toutes surmontables et tu agis sans regret. C’est alors que tu as du fun car quoiqu’il arrive tu agis en étant bien alignée avec tes aspirations, tes valeurs, ton toi profond.

Alors ma devise est si tu sens que ce n’est pas FFF, change ta stratégie. Tu sens bien à l’intérieur de toi quand tu forces une porte qui n’est pas pour toi, tu as toujours cette petite voix qui t’indique que ce n’est pas la bonne, tu n’es pas à l’aise avec tes propres choix. Dans ces moment-là le mantra FFF me rappelle à l’ordre : reprends-toi, fais marche arrière, change de direction jusqu’à ce que tu sentes que tout redevient fluide ! En général c’est radical, tout se place alors comme il se doit.